Let The Right One In, de Tomas AlfredsonLet The Right One In est un film suédois, réalisé par Tomas Alfredson. C'est l'adaptation du roman ( suédois toujours mais également éponyme, ce qui en suédois donne : " Låt Den rätte komma in " ) de John Ajvide Lindqvists. Passé ces informations de bases mais néanmoins essentielles, vous savez maintenant que je déteste le Suédois et ses fou*** caractère scandinaves. Cependant, c'est pas ça qui va m'empêcher de dire tout le bien que je pense de ce film. Parce qu'ici, les amis, on tient une véritable perle.
Faut avouer que je le sentais venir, et que j'ai attendu de pouvoir le voir. Grâce au merveilleux système de distribution cinématographique, il n'est apparu dans aucun cinéma à moins de deux cent kilomètres de chez moi. Sympa. Pourtant un film primé ( je crois ) au Festival de Gérardmer, encensé par la critique, réussissant l'exploit d'être salué à la fois par le milieu bien pensant art et essai français et par la communauté fantastique-horreur, on aurait pu croire qu'il allait être distribué partout. Mais non. C'est donc à l'aide de moyens plus ou moins licites et surtout très Hadopiens que j'ai pu enfin me procurer ce film. Et j'ai bien fait ( de me le procurer, pas de le télécharger, bande de polissons ).
Dissipons tout d'abord les confusions dues à Allociné et autres sites de " Cinéphiles ". Non, non et encore non, Let The Right One In n'est pas un film "d'horreur". Et ceux qui disent ça n'ont pas du voir le film ou alors, c'est pas celui là qu'ils ont vu. Parce que, malgré ses quelques oripeaux gores, voire un peu trash, non, Let The Right One In n'a pas pour but de faire peur. Certes, il y a tension, mais s'il vous plait, ne classez pas ce film au même niveau que La Colline A Des Yeux, ça me fait vraiment trop mal au coeur. Il s'agit ici d'un film Fantastique ( au sens du genre et au sens de l'adjectif ). C'est une surprise pour personne si je vous déclare qu'il y a un vampire dans le film. Oui. Cependant, ce n'est pas un film de vampires non plus. Si vous voulez du sang frais, de la jeune vierge au cou blanc et offert, du cercueil et de l'ail, vous repasserez. Changez de salle, changez de DVD, changez de DivX et allez regarder le Dracula de Coppola.
Let The Right One In, c'est l'histoire d'Oskar, un jeune garçon ( suédois, suivez un peu ! ) persécuté par ses petits camarades à l'école et qui rêve de vengeance. De nouveaux habitants emménagent dans l'appartement à côté du sien, et il rencontre alors Eli, la petite fille d'à côté. Je vais pas vous faire de faux suspens, Eli est un vampire. Voilà, c'est dit. Voilà l'élément fantastique du film. Eli a 12 ans depuis longtemps. C'est sur la relation amoureuse que vont lier les deux enfants que se concentre le film. Relation platonique s'il en est , mais profonde et touchante. Sobre, surtout. Il s'agit ici d'un film profondément sobre, que ce soit dans la réalisation et dans le scénario. Pas de climax spectaculaire ( même s'il est spectaculaire dans son genre ), pas d'effets de caméra à la mode et qui font style. Non, dans Let The Right One In, la caméra est posée, fixe, les cadrages sont soignés et on se laisse porter. L'ambiance est froide, glaciale ( le film s'ouvre sur la neige qui tombe, on découvre un cadavre gelé dans un lac ), prenante. La tension du film vient de là, de cette ambiance, pas d'une quelconque chasse au vampire, d'effets spéciaux ( qui, les rares fois qu'ils sont présents sont globalement réussis même si une scène en particulier est décrite par le réalisateur lui-même comme celle qui fait " sortir du film " ).
Le film se concentre sur l'humain, sur Oskar, Eli, leurs relations à leurs parents, aux adultes, qui vivent dans un monde bien à part d'eux ( à l'exception notable du "père" d'Eli, source de quelques éléments comiques réussis et de très belles scènes ). C'est entre enfants que se règle le film, c'est entre enfants que se finit le film, entre enfants qui ont grandi, néanmoins. Eli n'attaque pas d'enfants, seulement les adultes. La rencontre entre Oskar et Eli se fait autour d'un jouet ( un Rubik's Cube ) et Oskar veut sceller leur relation en mélangeant les sangs ( ce qui rappelle fortement le Ça de Stephen King, roman brillant sur l'enfance ). Les deux enfants communiquent d'ailleurs à l'aide du fameux " Morse " ( titre français du film, discutable ). C'est leur langage secret à eux. D'ailleurs, les adultes ne croient pas aux vampires, n'y pensent jamais. Le fantastique est le domaine de l'enfance, de l'évasion de l'espace délimité par la cour de l'immeuble d'Oskar, espace étouffant et plat, rompu seulement par le Jungle Gym en plein milieu, lieu ou Oskar et Eli se rencontrent. On pourra voir aussi une métaphore de la fin de l'enfance, de l'éveil du désir ( la faim de Eli ) mais alors il s'agit surtout d'une menace sur leur relation d'une source de tension ( bah oui, Eli quand elle a faim, elle mord ). Non, il n'y a pas la moindre once de début de cul dans ce film. Voilà, c'est dit, alors les analyseurs frustrés peuvent aller se rhabiller. Prestement. L'amour ici, est total mais platonique. Totalement platonique.
On pourrait disserter des heures sur ce film, sur les relations à l'adulte, sur les significations de certaines scènes ( dont celle entre Oskar et son père ), mais je vais m'arrêter là. Pour laisser quand même un peu de mystère, et puis, ce n'est pas à moi d'imposer ma vision du film aux autres. Let The Right One In se découvre. Se mange dans la figure comme une bonne grosse baffe. Un point c'est tout. Et le seul parallèle qu'on peut faire avec Twilight, film sorti au même moment, avec beaucoup plus de bruit, par contre, c'est un parallèle inversé. Let The Right One In est tout ce que Twilight prétend être sans ne serai-ce que l'effleurer : un film beau, touchant, personnel, émouvant et avant tout, du vrai cinéma, fait par un amoureux de cinéma, et non pas un produit marketing à destination des 13-25 ans.
Ça faisait longtemps, du vrai cinéma.